dimanche 17 mai 2009

Restaurants « payez ce que vous voulez », philanthropie ou marketing?


Avec pour motif la crise économique, plusieurs restaurateurs dans le monde ont adopté la formule « payez ce que vous voulez ». Ils comptent ainsi allier philanthropie et passion culinaire en offrant un menu spécial où les prix sont changés par des points d’interrogation. Ils laissent donc à leurs clients le choix du prix de leur repas. Ces restaurateurs ont peut-être trouvé un filon rentable : la sympathie du consommateur.

Le concept, voulu philanthropique, est très populaire à travers l’Europe et a été adopté au printemps par certains restaurateurs québécois tels que la Taverne Crescent à Montréal et le Bistro de l’Actuel à Magog. Ces deux restaurants offrent, selon un horaire établi, un menu « payez ce que vous voulez » laissant à la discrétion du client le montant de l’addition. Seuls les consommations, taxes de ven
tes et le pourboire exigent paiement. Suite à l’intérêt marqué de la clientèle pour la formule, son application a même été prolongée pour l’été. Selon Christian Désilets, professeur de publicité sociale au département d'information et de communication de l'Université Laval, ce qui explique la rentabilité de la « formule à saveur philanthropique » est le fait que le client se sent obligé d’être équitable envers le restaurateur.

«
Ce dont on se rend compte, c'est que les gens ont tendance à donner plus que ce qu'il leur est demandé. Ils rentrent avec l'idée qu'ils pourraient ne pas payer, mais la mauvaise conscience se fait sentir et ils se sentent coupables. À la fin, les clients sont gênés de payer moins que ça pourrait coûter aux restaurateurs», observe-t-il. La formule, qui de prime abord devait être une façon pour les restaurateurs de conserver une clientèle touchée par les répercussions de la crise économique, est devenue rentable. La rentabilité du concept est en partie due à l’impossibilité pour le client de juger du prix réel du repas. «Si on avait opté pour une formule avec le prix réel indiqué, ça aurait pu être intéressant. Mais comme les gens ne le savent pas, ils surestiment le prix», dit-il.

Pierre et Dominique Pucheu, propriétaires d’un restaurant des Hautes-Pyrénnées, témoignent d’ailleurs de la profitabilité de l’adoption de la formule « payez ce que vous voulez » : « Nous avons été étonné de la générosité des clients », qui paient en moyenne « 5-6 euros au-dessus du prix ». Sans oublier le capital de sympathie qu’un tel concept a suscité chez la clientèle ainsi que la publicité gratuite dont ces restaurateurs ont bénéficié qui sont aussi directement liées au succès de la formule. Plusieurs articles ont été écrits sur le sujet dans les grands quotidiens et
il y a eu aussi le bouche à oreille qui a aidé grandement les restaurants concernés à attirer la clientèle. Si bien que la formule a maintenant été adoptée dans d’autres secteurs commerciaux.

L’origine du concept

En 1997, le groupe britannique Radiohead a fait connaître le concept a
fin de contrer le téléchargement illégal. Le groupe offrait son album In Rainbows en téléchargement sur son site internet et les internautes pouvaient le télécharger moyennant une somme d’argent laissée à leur discrétion. La plupart des acheteurs ont déboursé une moyenne de 4 livres sterling, soit environ 8 dollars canadiens. Le concept a par la suite été adopté par des restaurants de Londres, du Québec et aussi d’Europe; avec le succès connu. D’autres secteurs tels que ceux de la mode et de l’édition ont adopté la formule. La compagnie BrandAlley, qui écoule les fins de collection de grandes marques telles qu’Adidas et Diesel, a créé une promotion (pour la France) sur son site qui permettait aux internautes de payer si peu qu’un euro pour des vêtements griffés et ce, du 6 au 10 mai 2009. La maison d’édition britannique Faber lançait aussi, en primeur le 27 avril, le livre What price Liberty de l’historien Ben Wilson en laissant les internautes choisir le prix qu’ils désiraient payer. Il s’agit donc d’un concept commercial assez connu et répandu ayant pour but de créer un « buzz » autour du produit.

Le restaurant SAME Cafe de Denver s’approche, pour sa part, beaucoup plus de la philanthropie avec son slogan: " Pour que chacun puisse manger ". Créé le 20 octobre 2006, par Brad et Libby Birky, SAME Cafe est un restaurant biologique où il n’y a aucun prix. Si vous êtes à votre première visite au café, Brad Birky vous accueillera en vous informant que le restaurant est « à but non lucratif. Nous opérons sur le modèle « payez ce que vous voulez ». Nous n'avons donc pas fixé les prix. Nous laissons à nos clients choisir ce qu'ils veulent manger et payer plus tard, mais ce qu'ils souhaitent. Si vous ne pouvez pas payer quoi que ce soit, nous vous demandons d'aider les bénévoles pendant une heure dans le café. ». Il n’y a donc pas de caisse enregistreuse, seulement un menu et une enveloppe jaune avec le numéro de la commande laissée lors du service. C'est très discret: le client est libre de laisser ce qu’il veut pour ensuite simplement déposer l’enveloppe dans un coffre en bois ou encore, il a le choix de mettre la main à la pâte. De cette manière, SAME Cafe n’est pas seulement réservé à celui qui a de l’argent à dépenser car il est aussi accessible à celui qui est prêt à se relever les manches et à travailler!

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